Portraits
 
   
 
 
 
Portrait de Juliette Cua,
documentaliste de presse
 
 
   
 

Documentaliste de presse, quand on aime lire et s'enrichir intellectuellement, c'est le métier idéal ! Juliette Cua, comblée par ce métier, a accepté de nous décrire ses bonheurs professionnels, mais aussi de nous faire part de ses doutes et de sa vision de cette profession.

 
 
  Nom
Juliette Cua
 
     
  Poste actuel
documentaliste de presse, spécialisée en politique internationale
 
     
  Formation
- Maîtrise d'histoire moderne
- Cycle supérieur de l'INTD
 
 

Cepid : A l'heure actuelle, vous occupez un poste de documentaliste de presse, à l'Express plus précisément. Quelles sont vos attributions dans ce poste, quelles sont vos tâches quotidiennes ?

Juliette Cua : Je suis documentaliste de presse, spécialisée en politique internationale, et je travaille essentiellement pour les journalistes de la rubrique Monde de L'Express. L'objectif de tout

mon travail est de répondre aux besoins des journalistes. Il leur faut le plus souvent un dossier de presse avant de partir en reportage, mais aussi, une documentation sur un sujet précis, des vérifications, une recherche particulière sur la presse d'un pays étranger, etc.
Au quotidien, mon travail est d'abord d'alimenter notre fonds documentaire : nous travaillons avec des dossiers thématiques, des dossiers "personnalités" et des dossiers par pays. Le service économie a aussi une partie de dossiers "entreprises", dont je n'ai que rarement besoin en fait. Avec ma collègue (nous sommes 2 à faire ce travail de documentation pour le service Monde), nous dépouillons 11 quotidiens, 12 hebdomadaires et une trentaire de revues plus ou moins spécialisées. Cela veut dire que nous lisons, indexons ces journaux, magazines et revues. Que des archivistes les découpent et les classent.
Ensuite, nous avons à répondre aux questions des journalistes, ce qui suppose une partie de recherche dans nos dossiers, mais parfois aussi sur bases de données (Lexis-Nexis et Européenne de Données essentiellement) et sur Internet.
Nous devons aussi gérer nos dossiers documentaires, en élaguant, subdivisant des dossiers trop complexes ou trop volumineux. Nous sommes entièrement responsables de l'évolution de nos dossiers. Plus notre manière d'indexer est précise, plus il nous est facile de répondre vite et bien aux questions. Mais afin de constituer des dossiers cohérents, il ne faut pas non plus éparpiller les papiers entre trop de dossiers ....

Nos tâches quotidiennes sont en train d'évoluer depuis que le service s'informatise. Cela peut sembler fou mais le service a fonctionné exclusivement sur papier jusqu'à janvier 2004. La mise en place d'un outil informatique est très coûteuse, très complexe (pour garder l'originalité et l'efficacité de notre système de classement) et très longue. Je pourrais peut-être vous en dire plus dans quelques mois sur le quotidien d'un service de documentation de presse totalement informatisé !



Cepid : Pouvez-vous nous décrire vos satisfactions personnelles dans votre travail, vos moments de grâce ?

J. C. : La vraie chance du documentaliste de presse, c'est à mon avis de pouvoir lire presque toute la journée ! J'ai appris ici en 5 ou 6 ans bien plus que pendant toutes mes études !
Après, c'est vrai qu'il est plutôt gratifiant de s'entendre dire merci par un journaliste plutôt bougon, et qu'il finit par être parfois excitant de faire une recherche un peu tordue et de trouver. Ici, la parution est hebdomadaire, il est finalement assez rare de travailler dans l'urgence. Mais ces moments d'urgence peuvent aussi être très intéressants sur le plan professionnel : c'est souvent là qu'on se sent le plus indispensable aux journalistes.

J'ai toujours pris beaucoup de plaisir à travailler dans ce service. Mais j'avoue être assez pessimiste sur l'évolution du métier, vers une totale informatisation. Je sais que cela peut choquer certains (qui diront que je suis ringarde et qu'il faut bien s'y faire, c'est comme ça, plus performant, plus rentable etc), mais ici, l'informatique fait perdre énormément de la valeur humaine de ce travail. Nous sommes un service de 15 documentalistes, 3 archivistes, 2 assistantes et l'esprit d'équipe est assez important. L'informatique brise un peu la nécessité de travailler ensemble ....

Cepid : Vous devez avoir parfois le sentiment d'effectuer un travail caché, par opposition au journaliste qui signe son article ? Comment le vivez-vous ?

J. C. : Je n'ai jamais eu ce sentiment. Et à la limite, je crois que je préfère cette idée de travailler "cachée". Cela dit, je crois que le documentaliste et le journaliste ne font pas du tout le même travail. Nous n'avons pas "le droit" de donner un avis, une orientation à nos dossiers. C'est au journaliste de faire son analyse des faits.
Quand la documentation fait vraiment un travail propre, une chronologie par exemple, l'article peut être signé par le service à part entière. Cela arrive rarement à L'Express mais c'est déjà arrivé. D'ailleurs, à l'Express, tous les documentalistes ont le statut de journaliste.

Cepid : Le fait de travailler pour une rédaction entraîne sans doute pour vous des astreintes, des contraintes liées aux dates de parution ?

L'Express paraît le lundi. Nous avons une soirée de bouclage par semaine, le jeudi. Deux documentalistes restent pour assurer les dernières vérifications. Finalement cela ne revient qu'une fois toutes les 6 ou 7 semaines ... En revanche, si un événement très important le demande, nous savons que nous pouvons rester au delà de nos horaires habituels !


Cepid : Quelle formation avez-vous suivie, avec quels bénéfices et quels regrets ?

J. C. : J'ai suivi un double cursus histoire et géographie. J'ai une maîtrise d'histoire moderne. Et je suis passée par l'INTD, que j'ai fait en 2 ans, en alternance avec un contrat de qualification à l'Express. Ma grande chance a été d'abord d'entrer à l'INTD, où j'ai répondu à l'offre de l'Express, qui m'a prise en contrat de qualification. Ensuite j'ai bénéficié des 35 heures et j'ai été embauchée définitivement sur le poste créé. Pour moi, c'était tout bénéfice !
Mes regrets : désolée pour l'INTD mais soyons honnête, j'ai appris beaucoup plus sur le tas qu'à l'école. Ma formation initiale et mes langues m'ont bien plus servies que les cours .... Cela dit, sans le passeport INTD, je ne serais pas là où je suis ! Du coup je regrette de ne pas avoir peut-être approfondi certaines choses en informatique, d'autres en management .


Cepid : Quelles sont les qualités personnelles qui vous servent le mieux dans l'exercice de votre métier ?

J. C. : L'écoute, la curiosité et la capacité à travailler en équipe me semblent les principales qualités nécessaires à ce genre de métier ! Bien sûr il faut un minimum de culture générale mais ça, finalement, ça s'apprend !


Cepid : Et si c'était à refaire ?

J. C. :Je crois que je referais la même chose. Il y a les avantages matériels (qualité de l'environnement, stabilité de l'entreprise, rémunération, etc), et des avantages plus "intellectuels" (qualité du travail, des contacts) ; mais aussi les inconvénients (pas de grande évolution possible, pas de "grande" prise de décision, etc).


Cepid : Merci beaucoup
!

Propos recueillis par Sylvaine Garderet Lloret en avril 2004